Trinh Xuan Thuan (né le 20 août 1948 à Hanoï au Viêt Nam) est un astrophysicien et écrivain vietnamo-américain, d'expression principalement française.
Le point de vue bouddhiste soulève une question. S'il n y a pas de principe créateur, l'univers ne peut être créé. Rien ne peut se manifester sans cause ni condition, autrement dit rien ne peut commencer à exister ou cesser d'exister. Le big bang ne serait plus une explosion. primordiale, mais seulement le commencement d'un cycle particulier dans une succession sans début ni fin d'un nombre incalculable de cycles. Le seul univers scientifique qui soit compatible avec cette optique serait donc un univers cyclique, composé d'une série sans fin de big bangs et de big crunches. Cependant, le fait que l'univers va un jour s'effondrer sur lui-même reste loin d'être établi scientifiquement.
Métaphysique - 17/20
A la question existentielle de Leibniz : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Car le rien est plus simple et plus facile que quelque chose.», j'ajouterais : pourquoi les lois physiques sont-elles ce qu'elles sont et non autres ? Ainsi nous pourrions très bien imaginer vivre dans un univers décrit uniquement par les lois de Newton. Pourtant, ce n'est pas la cas : ce sont les lois de la mécanique quantique et de la relativité qui rendent compte de l'univers connu.
Métaphysique - 16/20
Si nous rejetons l'idée d'univers multiples et acceptons celle d'un univers unique, le nôtre, alors il me semble que nous devons parier, tel Pascal, sur l'existence d'un principe créateur responsable du réglage extrêmement précis de l'univers. Mais attention : pour moi, ce principe ne représente pas un Dieu barbu, mais un principe panthéiste qui se manifeste dans les lois de la nature.
Métaphysique - 16/20
Voici les trois concepts philosophiques fondamentaux du bouddhisme : l'interdépendance, la vacuité et l'impermanence. Le concept d'interdépendance exprime l'idée que toute chose ou tout être ne peut exister de façon autonome ni être sa propre cause. Un objet ne peut être défini qu'en termes d'autres objets et n'exister qu'en relation avec d'autres entités. [...] La notion d'interdépendance nous amène directement à l'idée bouddhiste de la vacuité, qui ne signifie pas «néant», mais «absence d'existence propre». Parce que tout est interdépendant, rien n'existe en soi, ni ne peut être sa propre cause. L'idée d'une réalité autonome n'est pas valide. [...] Pour le bouddhisme, l'interdépendance est intimement liée à l'impermanence des phénomènes. L'univers n'est pas fait d'entités solides et distinctes, il est comme un vaste flux d'événements changeants, et de courants dynamiques en perpétuelle évolution, tous interconnectés et interagissant.
Métaphysique - 17/20
Nous percevons tous l'impermanence "grossière" : nos émotions qui fluctuent, les saisons qui passent, les châteaux non entretenus qui tombent en ruine, les montagnes qui s'érodent, les changements de notre corps au fil de la vie ... L'impermanence "subtile" est moins évidente pour nos sens, quoiqu'elle se manifeste partout, à l'échelle du plus petit intervalle de temps concevable : à chaque moment infinitésimal, tout ce qui semble exister se transforme.
Métaphysique - 16/20
Si seule la connaissance sensorielle du monde est indispensable à notre survie, si elle seule relève d'une nécessité biologique, alors pourquoi l'homme est-il doué d'une «déraisonnable efficacité» lorsqu'il s'agit de comprendre l'univers ?
Métaphysique - 17/20
Postuler l'existence d'une infinité d'univers parallèles, totalement déconnectés du nôtre, et donc invérifiables, fait violence à ma sensibilité d'observateur du cosmos. Sans vérification expérimentale, la science a tôt fait de s'enliser dans la métaphysique. De surcroît, je souscris au principe d'économie appelé « rasoir d'Occam». Or c'est aller à l'encontre de ce principe d'économie que de postuler une infinité d'univers aussi infertiles qu'invérifiables, juste pour en avoir un qui soit conscient de lui-même ... .
Métaphysique - 17/20
L'existence le la conscience n'est pas contingente mais nécessaire, car l'univers n'a de sens que s'il contient une conscience capable d'appréhender son organisation, sa beauté et son harmonie.
Métaphysique - 16/20
Pour un bouddhiste, le bien et le mal n'existent pas en soi. Il n'y a de bien et de mal qu'en termes de bonheur causés à soi-même ou à autrui.
Morale - 16/20
Je formulerais mon critère de choix entre ce que je dois faire et ce que je dois éviter par : le respect de l'humanité et de son écosphère à tout prix.
Morale - 16/20
Le théorème de Gödel implique qu'il existe toujours une limite à notre connaissance d'un système donné, car nous faisons nous-mêmes partie de ce système.
Savoir - 16/20
Les Grecs pensaient que la raison était toute-puissante. Mais la science, à mesure qu'elle progresse, s'est rendu compte que la raison ne peut pas, dans certains cas, aller au bout du chemin. La mécanique quantique et la théorie du chaos ont introduit dans la science les notions d'incertitude, d'indétermination et d'imprédictibilité. Plus encore, le mathématicien Kurt Gödel a démontré en 1931 un théorème - connu aujourd'hui sous son nom et aussi appelé "théorème d'incomplétude" - qui fait de l'incomplétude une affaire le logique.
Savoir - 16/20
Je suis persuadé que la science est loin d'être la seule fenêtre qui nous permette d'accéder au réel. La spiritualité, au même titre que la poésie ou l'art, en constitue une autre, complémentaire de la science, pour contempler le monde.
Savoir - 15/20
Le principe d'incertitude de Heisenberg selon lequel on ne peut jamais connaître à la fois la vitesse et la position d'une particule a une forme mathématique bien définie. Tout comme ce sont les mathématiques qui ont servi à Gödel à prouver qu'on ne peut pas démontrer certaines propositions dans un système d'arithmétique (c'est ce qu'on appelle la «métamathématique »). Tout ici reste quantitatif, rien ne devient qualitatif, il n'en demeure pas moins que nous devons accepter qu'il existe fondamentalement une part d'incertitude et de chaos dans la nature.
Savoir - 16/20
La vie a émergé de poussières d'étoiles inanimées quand l'organisation des cellules est devenue assez complexe, et la conscience a surgi du cortex quand les connexions neuronales ont franchi un certain cap de complexité. Dans cette optique, la conscience est issue, comme la vie elle-même, de la matière inanimée. Elle n'est que le résultat de courants électrochimiques circulant dans les circuits neuronaux.
Savoir - 16/20
Le physicien français Léon Foucault voulait démontrer que la Terre tourne sur elle-même. En 1851 dans une expérience qui est maintenant reproduite dans nombre de musées du monde, il suspendit un pendule à la voûte du Panthéon, à Paris. Nous connaissons tous le comportement du pendule : une fois lancé, son plan d'oscillation pivote au fil des heures. Pourquoi la direction du pendule change-t-elle ? Foucault répondit à juste titre que ce mouvement n'était qu' apparent : le plan d'oscillation du pendule reste fixe ; c'est la Terre qui tourne. Ayant ainsi mis en évidence la rotation de la Terre, il en resta là. Orientons le plan du pendule vers le Soleil. Pendant le périple journalier de notre astre dans le ciel, le plan d'oscillation du pendule semble tourner pour suivre le mouvement solaire. Serait-ce le Soleil qui dé termine le plan d'oscillation du pendule ?
Savoir - 17/20
Heisenberg a démontré qu'il existera toujours une incertitude soit dans la position, soit dans la vitesse d'une particule. La mécanique quantique a fait perdre à la matière sa substance. Par là, elle rejoint la notion de vacuité bouddhiste.
Savoir - 16/20
Propulsé par une déflagration primordiale, l'univers est en expansion. Parti d'un état extrêmement petit, chaud et dense, il s'agrandira, se refroidira et se diluera de plus en plus. Avec la théorie du big bang, l'univers a acquis une histoire. Il a un commencement, un passé, un présent et un futur. Les dernières observations nous disent que son expansion ,se poursuivra jusqu'à la fin des temps et qu'il mourra un jour dans un froid glacial.
Savoir - 15/20
Au moment où j'écris ces lignes, la Terre nous entraîne à travers l'espace à trente kilomètres par seconde dans son voyage annuel autour du Soleil. Celui-ci emmène à son tour la Terre dans son périple autour de la Voie lactée à deux cent trente kilomètres par seconde. La Voie lactée tombe elle-même à quatre-vingt-dix kilomètres par seconde vers sa compagne Andromède. Et ce n'est pas fini : le Groupe local qui contient notre galaxie et Andromède tombe à quelque six cents kilomètres par seconde, attiré par l'amas de la Vierge et par le superamas de galaxies le plus proche du superamas local, celui de l'Hydre et du Centaure. Le ballet ne s'arrête pas là : ce dernier tombe quant à lui vers une grande agglomération de dizaines de milliers de galaxies appelée le «Grand Attracteur ». Le ciel statique et immuable d'Aristote est bel et bien mort.
Savoir - 16/20
Il faut savoir que toutes les propriétés de l'univers dépendent de deux types de paramètres. D'abord, il y a les propriétés dont les fées l'ont doté à sa naissance, les "conditions initiales" : ce sont, par exemple, le contenu en matière (lumineuse ou non) et en énergie de l'univers, ou encore son taux d'expansion initial. Viennent ensuite une quinzaine de nombres dans la nature, dits « constantes physiques», telles la constante de gravitation qui détermine l'intensité de la force gravitationnelle, la constante de Planck qui détermine la taille des atomes, la masse des particules élémentaires ou encore la vitesse de la lumière. Ces nombres, comme leur nom l'indique, sont véritablement constants, ne variant ni dans l'espace ni dans le temps. [...] Que des propriétés et des lois de l'univers diffèrent un tant soit peu et nous ne serons plus là pour en parler.
Savoir - 16/20
La précision du réglage de certaines constantes physiques fondamentales et de certaines conditions initiales de notre univers est proprement époustouflante. […] Quelle attitude adopter devant un réglage d'une telle précision ? Selon moi, nous avons le choix entre hasard et nécessité. Les partisans du hasard font appel à la théorie du "multivers" selon laquelle notre monde ne serait qu'une bulle parmi une infinité d'autres bulles dans un méta univers. Chacun de ces univers-bulles posséderait sa propre combinaison de constantes physiques et de conditions initiales ; parmi eux, nul n'abriterait de vie consciente - car ils n'auraient pas la bonne combinaison -, hormis le nôtre qui, par le plus grand des hasards, posséderait la combinaison gagnante, et nous sommes là pour en parler. De leur côté, les partisans de la nécessité soutiennent qu'il n'y a pas lieu de postuler une infinité d'univers, que le nôtre est unique et que son réglage si précis pour l'apparition d'un observateur ne peut être le seul fait du hasard, mais est l'expression d'un principe organisateur subtil qui se manifeste dans les lois de la nature.
Savoir - 17/20
Parce qu'il pouvait, avec le soutien de Staline et du parti communiste, museler toute opposition, Trofim Lyssenko a pu imposer de 1932 à 1964, sans aucune preuve expérimentale, l'idée que les gènes n'existaient pas, retardant ainsi les progrès de la biologie et de la génétique soviétiques de plusieurs décennies et causant des famines catastrophiques dues à l'échec de ses méthode dans le domaine de l'agriculture.
Savoir - 15/20
Ce célèbre théorème contient le résultat suivant, qui est peut-être le plus extraordinaire et le plus mystérieux de toutes les mathématiques : un système d'arithmétique cohérent et non contradictoire contient toujours des propositions « indécidables », c'est-à-dire des énoncés mathématiques dont on ne peut jamais dire par le seul raisonnement logique s'ils sont vrais ou faux. D'autre part on ne peut pas démontrer qu'un système est cohérent et non contradictoire sur la seule base des axiomes qu'il contient ; pour ce faire, il faut sortir du système et imposer un ou des axiomes supplémentaires qui lui sont extérieurs. Ce qui veut dire que le système est incomplet en soi.
Savoir - 0/20
Non, car notre astre sort du plan d'oscillation après quelques semaines. Les étoiles les plus proches, situées à quelques années-lumière, font de même après quelques années. La galaxie Andromède, située à 2,3 millions d'années-lumière, dérive moins, mais finit par sortir du plan. C'est seulement quand le pendule est orienté vers les amas de galaxies les plus lointains, situés à des milliards d'années-lumière, aux confins de l'univers connu, que ceux-ci ne dérivent plus par rapport au plan d'oscillation du pendule. La conclusion à tirer de ces expériences est extraordinaire : le pendule de Foucault ajuste son comportement non pas en fonction de son environnement local, nais en fonction de l'univers tout entier, puisque la quasi-totalité de la masse visible de l'univers se trouve non dans es étoiles proches, mais dans ces galaxies lointaines. En autres termes, ce qui se trame chez nous se décide dans l'immensité cosmique, ce qui se passe sur notre minuscule planète dépend de la totalité des structures de l'univers !
Savoir - 0/20
Le pratiquant accompli du bouddhisme sait que la réalisation vécue de l'interdépendance se traduit par une compassion irrésistible envers tous les êtres - une compassion qui modifie son existence jusque dans sa fibre la plus intime.
Spiritualité - 16/20
L'effort spirituel doit aboutir à une transformation profonde de notre manière de percevoir le monde et d'agir sur lui. Il ne suffit pas de savoir, comme dans le cas d'un physicien quantique, qu'il existe une interdépendance entre l'observateur et l'observé, que notre conscience ne peut être isolée de la réalité globale du monde des phénomènes, encore faut-il reconnaître par l'expérience personnelle que notre conscience fait partie de cette globalité.
Spiritualité - 16/20