Lucrèce (15)

Lucrèce (en latin Titus Lucretius Carus) est un poète philosophe latin du Ier siècle av. J.-C. (peut-être 98-55), auteur d'un seul ouvrage en six parties, le De rerum natura (De la nature des choses, qu’on traduit le plus souvent par De la nature), un long poème passionné qui décrit le monde selon les principes d'Épicure. C’est essentiellement grâce à lui que nous connaissons l'une des plus importantes écoles philosophiques de l'Antiquité, l'épicurisme, car des ouvrages d’Épicure, qui fut beaucoup lu et célébré dans toute l’Antiquité tardive, il ne reste pratiquement rien, sauf trois lettres et quelques sentences. Si Lucrèce expose fidèlement la doctrine de son maître, il met à la défendre une âpreté nouvelle, une sombre ardeur. « On entend dans son vers les spectres qui s'appellent », dit Victor Hugo. Son tempérament angoissé et passionné est presque à l’opposé de celui du philosophe grec. Il vit dans une époque troublée par les guerres civiles et les proscriptions (massacres de Marius, proscriptions de Sylla, révolte de Spartacus, conjuration de Catilina). De là, les pages sombres du De rerum natura sur la mort, le dégoût de la vie, la peste d’Athènes, de là aussi sa passion anti-religieuse qui s’en prend avec acharnement aux cultes et aux prêtres des religions romaines de son époque, passion que l’on ne retrouve pas dans les textes conservés d’Épicure, même si celui-ci critique la superstition et même la religiosité populaire. Contre les positions des univers cléricaux antiques (romains, grecs, etc.), il propose de se soustraire aux craintes induites par les sphères religieuses, auxquelles il oppose une dimension rationnelle. Ainsi, il explique de façon matérielle les objets et le vivant, qui prennent forme via des combinaisons d'atomes. Surtout, Lucrèce unit à la science épicurienne, souvent difficile, la douceur et la dimension visionnaire de la poésie.

Lucrèce

C'est que le désir se satisfait de jouir, alors que l'amour veut posséder et ne cesse de rêver sa propre soif.

Amour - 17/20

Ils ne savent se fixer. L'objet de leur désir, ils le pressent étroitement, ils le font souffrir, ils impriment leurs dents sur les lèvres qu'ils meurtrissent de baisers : c'est que chez eux le plaisir n'est pas pur. […] Enfin, membres accolés, ils jouissent de cette fleur de la jeunesse, déjà leur corps devine la volupté prochaine : Vénus va ensemencer le champ de la femme. Ils serrent avidement le corps de leur amante, ils mêlent leur salive à la sienne, ils respirent son souffle, les dents collées contre sa bouche... Vains efforts, puisqu'ils ne peuvent rien dérober du corps qu'ils embrassent, non plus qu'y pénétrer et s'y fondre tout entiers. Car c'est là par moments ce qu'ils semblent vouloir faire...

Amour - 18/20

Quand le désir amassé dans leurs veines a trouvé son issue, cette violente ardeur se relâche pour un moment ; puis un nouvel accès de frénésie survient, la même fureur les reprend ; c'est qu'ils ne savent eux-mêmes ce qu'ils désirent, et ne peuvent trouver le remède qui triomphera de leur mal : tant ils ignorent la plaie secrète qui les ronge. Ajoute qu'ils se consument et succombent à la peine. Ajoute que leur vie se passe sous le caprice d'autrui. Leur fortune disparaît, leurs devoirs sont négligés, leur réputation chancelle... Ce ne sont que banquets, jeux, parfums, couronnes, guirlandes... Mais en vain ! De la source même des plaisirs surgit je ne sais quelle amertume, qui jusque dans les fleurs prend l'amant à la gorge.

Amour - 18/20

Il vaut mieux jeter dans le premier corps venu la liqueur amassée en nous que de la garder pour un seul amour qui nous prend tout entiers, ce qui nous voue aux tourments et à la peine. Car, à le nourrir, l'abcès se ravive et devient un mal invétéré : de jour en jour la frénésie s'accroît, la peine devient plus lourde, si tu n'effaces par de nouvelles plaies les premières blessures, si au hasard des rencontres tu ne les confies encore fraîches aux soins de la Vénus vagabonde, et ne diriges vers d'autres objets les impulsions de ton cœur. Éviter l'amour, ce n'est pas se priver des jouissances de Vénus : c'est au contraire en prendre les avantages sans rançon. Assurément ceux qui gardent la tête saine jouissent d'un plaisir plus pur que les malheureux égarés. Au moment même de la possession, l'ardeur des amoureux erre et flotte incertaine : jouiront-ils d'abord par les yeux par les mains ? Ne voyez-vous pas ce que crie la nature ? Réclame-t-elle autre chose que pour le corps l'absence de douleur, et pour l'esprit un sentiment de bien-être, dépourvu d'inquiétude et de crainte ?

Amour - 0/20

L'âme est une partie du corps.

Métaphysique - 16/20

Les hommes se transmettent la vie comme les coureurs se passent le flambeau.

Métaphysique - 18/20

La vie n'est donnée à personne en propriété, elle est donnée à tous en usufruit.

Métaphysique - 18/20

Regarde maintenant en arrière ; vois quel néant fut pour nous cette longue période de l'éternité qui a précédé notre naissance. Voilà donc le miroir où la nature nous présente ce que nous réserve l'avenir après la mort. Y voit-on apparaître quelque image horrible, quelque sujet de deuil ? N'est-ce pas un état plus paisible que n'importe quel sommeil ?

Mort - 18/20

Voilà le miroir où la nature nous présente ce que l'avenir nous préserve après la mort. Y voit-on apparaître quelque image horrible, quelque sujet de deuil ? N'est-ce pas un état plus paisible que n'importe quel sommeil ?

Mort - 14/20

Soyons certains que rien de redoutable ne nous attend dans la mort, qu'on ne peut être malheureux quand on n'est pas, et qu'entre être né un jour ou jamais, on ne trouve aucune différence.

Mort - 18/20

Il est doux quand les vents lèvent la mer immense, D'assister du rivage au combat des marins. Non que les maux d'autrui puissent nous réjouir, Mais il nous plaît de voir à quoi nous échappons. Doux aussi, lors des grands carnages de la guerre, De regarder de loin les armées dans la plaine. Mais rien n'est aussi doux que d'habiter les monts Fortifiés du savoir, temples de sagesse, D'où l'on peut abaisser ses regards sur les autres, Les voir errer sans trêve, essayant de survivre, Se battant pour leur rang, leur talent, leur noblesse, S'efforçant nuit et jour par un labeur extrême D'atteindre des sommets de pouvoir, de richesse ... Misérables esprits des hommes, cœurs aveugles ! Dans quelle obscurité, dans quels périls absurdes Se consume pour rien leur presque rien de vie !

Poésie - 17/20

Toujours nous tournons dans le même cercle sans pouvoir en sortir … Tant que demeure éloigné l'objet de nos désirs, il nous semble supérieur à tout le reste ; est-il à nous, que nous désirons autre chose, et la même soif de la vie nous tient toujours en haleine...

Sagesse - 16/20

Toutes mes actions ne sont que l'effet en moi d'une sélection entre les simulacres (c'est-à-dire d'un choix entre les possibles), effectuée selon la puissance de la volonté comme tendance indéterminée (mais déterminante) vers le plaisir, c'est-à-dire comme désir.

Sagesse - 16/20

Fais taire tes opinions, tes sentiments, tes humeurs. Efface ta personne. Alors ton guide intérieur, ne se causant plus aucun trouble à lui-même, te conduit à la chose essentielle qui est en toi : l'impassible nature universelle.

Sagesse - 16/20

De la source même des plaisirs surgit je ne sais quelle amertume, qui jusque dans les fleurs prend l'amant à la gorge.

Vie Pratique - 17/20